La France est pleine de bonnes intentions vis-à-vis des personnes en situation de handicap, « des citoyens qui ont droit à une vie de dignité, une vie de liberté, une vie comme les autres au milieu des autres », comme le soulignait le président de la République le 11 février 2020. Que sait-on au fond de ces personnes dont le nombre approche six millions, si l’on ne prend en compte que les 15-64 ans ? Et que sait-on des inégalités qu’elles subissent tous les jours par rapport au reste de la population ? Comme souvent dans notre pays, le contraste est immense entre les discours généreux et les moyens que l’on se donne pour connaître réellement les faits.
« Je constate un manque cruel de données et de statistiques sociodémographiques ventilées par handicap », s’inquiétait déjà, en octobre 2017, Catalina Devandas-Aguilar, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées. « À titre d’exemple, le recensement national ne comporte aucune question sur le handicap et la dernière enquête Handicap-Santé [de l’Insee] remonte à 2008. On m’informe également que les données relatives aux personnes autistes en France sont limitées, voire inexistantes, ce qui permet difficilement d’alimenter la conception d’orientations et de solutions appropriées fondées sur les droits », précisait-t-elle. Et cela alors que la France doit répondre à des obligations en la matière au titre de l’article 31 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées. Les déclarations de la rapporteuse faisaient suite à une décision du Défenseur des droits, un mois auparavant, critiquant vertement le déficit d’information et l’absence de pilotage d’ensemble, soulignant notamment « un manque de données sur le nombre d’enfants et d’adultes handicapés, leur situation, leurs besoins et le niveau de satisfaction de ces besoins. De fait, la mesure de l’effectivité des droits est difficile à réaliser ».
Ce constat est partagé par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), un organisme de contrôle et d’expertise des politiques sociales, qui le souligne en 2020, dans un rapport transmis au président de la République, au gouvernement et au Parlement, consacré à l’emploi des personnes handicapées. Les auteurs en livrent même la raison : « la réduction des budgets de fonctionnement des administrations publiques s’est traduite par l’espacement ou la non-reconduction d’enquêtes statistiques qui constituaient une base essentielle de la connaissance en matière de handicap. Il en résulte une obsolescence marquée dans la connaissance de ce champ de l’action publique ». Traduisons : faire des enquêtes, cela coûte cher. La réduction des dépenses publiques a des conséquences concrètes sur la connaissance du handicap, de plus en plus datée. Interrogé, le Conseil national de l’information statistique (Cnis), qui décide des grandes orientations des enquêtes publiques, renvoie la balle au service communication de l’Insee. Face à notre interrogation, l’Insee nous répond simplement : « nous n’avons pas d’expert du handicap », et renvoie à son tour la balle au service statistique du ministère des Solidarités en charge du dossier, auprès duquel nous resterons sans réponse. Notre institut national, dont par ailleurs on vante partout la qualité, dispose de plus de 5 000 agents, mais n’a pas jugé nécessaire d’embaucher « d’expert du handicap ».
En dépit des remontrances des Nations unies et de l’Igas, les services statistiques de l’État ne sont pas pressés. En octobre dernier, le ministère des Solidarités a publié un volumineux document qui comprend 30 pages sur la perte d’autonomie et le handicap. On dispose d’un très grand nombre de données sur les prestations destinées aux handicapés, mais les chiffres qui décrivent cette population remontent, ni plus ni moins, à 2008, date de la dernière enquête dans notre pays sur le sujet. La prochaine enquête détaillée n’est prévue qu’entre octobre 2021 et juin 2022, selon le ministère. Quatorze années se seront donc écoulées entre les deux enquêtes. Il faudra attendre 2023, voire 2024, pour obtenir les premières données de cette enquête dont on devra probablement utiliser les résultats jusqu’en 2035 pour l’enquête suivante...
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Sources: Intranet APF France handicap